Les polymères peuvent être classés en trois familles :
- les polymères naturels (comme la cellulose, l’ADN, le latex)
- les polymères synthétiques biosourcés (comme le polylactide) : c’est à dire dont le monomère est issu de la transformation de bioressources (comme l’acide lactique)
- les polymères synthétiques et issus du pétrole (comme le polyéthylène)
L’humain utilise depuis des siècles les polymères naturels pour en faire des outils, des objets ou des tissus mais c’est au début du XIXème siècle que les chimistes se sont intéressés à la modification chimique des polymères naturels pour faire de nouveaux matériaux (le caoutchouc par exemple). On pouvait déjà parler de polymères biosourcés. Le celluloïd, la viscose ou le collodion,par exemple, sont des polymères issus de bioressources (puisque tous les trois issus de la modification de la cellulose). Plus tard, la bakélite, inventé par Leo Baekeland sera le premier polymère entièrement synthétisé par l’humain lors d’une réaction de polymérisation. Il faudra attendre le début du XXème siècle pour que différents matériaux soient synthétisés à partir de molécules issus de la pétrochimie : les élastomères à base d’isoprène (1914), les polyesters et les polyamides (1931 Wallace Carothers), le Plexiglass, le polystyrène (1930) et le polychlorure de vinyle (1938). Nous allons voir ici les différences entre polymères issus du pétrole et polymères biosourcés.
Polymères synthétiques issus de ressources fossiles
L’histoire des polymères synthétiques est intimement liée à celle du pétrole. En effet, les premiers polymères synthétiques thermoplastiques : le polyméthacrylate de méthyle (ou Plexiglass ®) synthétisé en 1927 par Rohm et Hass en Allemagne puis le polystyrène en 1930 par Farben sont issus de la réaction de polymérisation d’un monomère (le méthylméthacrylate et le styrène réciproquement), chacun issu de la raffinerie pétrolière.
L’histoire du pétrole
L’usage du pétrole, quant à lui, remonte à l’Antiquité lorsqu’il était appelé « bitume » et permettait l’étanchéité de la coque des bateaux (calfatage). Il y a 4000 ans, il était déjà utilisé dans la construction des murs et des tours de Babylon. On y trouve également mentions dans les textes bibliques. Sa distillation, quant à elle, est connue depuis le Moyen-Âge et permet de récupérer différentes fractions, de pureté élevée. Il sera également utilisé en pharmaceutique. D’après le Dictionnaire Général des Drogues de Lemery revu et corrigé par Simon Morelot en 1807, « on se sert du pétrole en médecine, dans les maladies des muscles, la paralysie, la faiblesse des nerfs, et pour les membres gelés, en friction.» A l’époque, on le trouvait uniquement sous forme d’affleurements à la surface et il fallut attendre 1855-57 pour voir naître en Roumanie et en Pennsylvanie (aux Etats-Unis) les premiers forages. La première raffinerie pétrolière européenne fournira l’éclairage public de la ville entière de Bucarest (plus de 1000 lampes à huile). Les années suivantes : tout s’accélère. La demande de pétrole en tant que combustible s’intensifie au Nord des Etats-Unis mais aussi partout dans le monde. En 1859, on produit les premiers barils et 274 tonnes sont produits cette même année (aux Etats-Unis). En 1862, c’est 3 millions de barils contre 83 millions en 2007.
Qu’est-ce que le pétrole et la raffinerie pétrolière ?
Depuis 1950, le pétrole est la première source d’énergie dans le monde. C’est une source d’énergie liquide facile à pomper, à stocker, à transporter et donc révolutionnaire pour les transports. Le pétrole est très dense énergétiquement, c’est-à-dire qu’il apporte beaucoup d’énergie pour un volume minimum. Il est utilisé pour la combustion. On parle de combustion propre lorsque tout le carburant (des alcanes) est brûlé en dioxyde de carbone et en eau.
Le pétrole est un mélange de composés organiques : alcanes, aromatiques, alcènes, alcynes et autres petites molécules contenant du soufre, de l’azote ou de l’oxygène. Le pétrole est appelé pétrole brut lorsqu’il sort du gisement et n’est pas encore traité chimiquement. Tel quel, il n’a guère d’intérêt. Sa contenance en différentes molécules dépendra de sa provenance. Certains composés comme les produits soufrés (H2S et les mercaptants) ne sont pas désirés et font l’objet de traitements spécifiques qui ont un coût supplémentaire pour la raffinerie. Il existe toutes sortes de pétroles bruts : paraffiniques (majorité d’hydrocarbures linéaires), naphténiques (majorité d’hydrocarbures cycliques), et aromatiques (majorité de cycles aromatiques). Afin de séparer ces produits et d’en faire des produits vendables et utilisables, on emploie des procédés de séparation physico-chimiques. C’est ce que l’on appelle : le raffinage.
Le pétrole est un mélange de composés organiques : alcanes, aromatiques, alcènes, alcynes et autres petites molécules contenant du soufre, de l’azote ou de l’oxygène.
Dans la raffinerie pétrolière, il existe toutes sortes de procédés et d’unités. On compte : la distillation atmosphérique, les traitements qui permettent d’éliminer les impuretés (hydrotraitement, stabilisateur, vapocraquage, …), les unités de conversion (alkylation, isomérisation, reformage catalytique, craquage catalytique, hydrocraquage) et le parc de stockage. Le pétrole brut va tout d’abord subir une distillation atmosphérique qui va permettre de séparer différents produits en fonction de leur température d’ébullition et donc de leur poids moléculaire. Les gaz (alcanes avec un nombre de carbone inférieur à 4) sortiront en premier, puis les essences légères, les essences lourdes, le kérosène, le gazole, les fiouls lourds (schéma simplifié ci-dessous). La fraction correspondant aux molécules contenant entre 4 et 8 carbones est appelée naphta. C’est à partir des molécules de la fraction naphta, que toute l’industrie de synthèse s’est construite. Les différents produits qui sortent de la raffinerie font partie de notre quotidien : gaz de ville, carburants de nos voitures, carburant d’avion, fioul domestique ou bitume.
La fraction naphta subit de nombreux traitements : hydrotraitement pour enlever le soufre, stabilisateur pour séparer naphta léger du naphta lourd et vapocraquage. De cette fraction, il peut être isolé différents produits qui seront ensuite transformés en molécules plus complexes. La pétrochimie est l’ensemble des technologies utilisant le pétrole ou le gaz naturel pour fabriquer des composés chimiques synthétiques (existant ou non dans la nature ; dans le dernier cas, ces composés sont dits artificiels) (figure ci-dessous). On obtient ainsi des produits aussi variés que : des solvants, des détergents, des colorants, des engrais, des pesticides et des polymères.
Observez bien les prix et le tonnage annuel indiqués pour chacun des produits issus de l’industrie pétrochimique de la figure ci-dessus. Ils sont bon marché! Et c’est bien un des facteurs qui nous rend dépendant des produits pétroliers. Le polyéthylène est produit à 1,87 dollars le kilo et représente une production mondiale de 41 Mt par an.
L’industrie chimique est divisée en plusieurs secteurs :
- chimie lourde : chimie organique (pétrole) ou chimie minérale. C’est un secteur dans lequel le coût de revient est faible et la production très forte. On y produit des molécules de base : issus du pétrole ou bien sans carbone (ammoniaque, acides minéraux…).
- chimie fine : avec un niveau d’élaboration plus élevé. Ce secteur utilise des transformations complexes et coûteuses. On y distingue : l’agroalimentaire, l’hygiène et la beauté et enfin la pharmacie.
- parachimie : secteur qui concerne la science des mélanges et de la formulation. Elle comprend : les peintures, les colles, les adhésifs…
- le secteur pharmaceutique
Le pétrole : ressource renouvelable ?
Le pétrole et les gaz naturels sont issus de la nature. Alors pourquoi ne considère-t-on pas le pétrole comme une bioresource renouvelable ? Et bien tout simplement car le pétrole est issu de l’enfouissement progressif de sédiments sur plusieurs km qui va permettre à la matière de se transformer sur des millions d’années. A l’échelle de notre civilisation et de nos besoins en produits organiques, le pétrole ne peut pas être considéré comme renouvelable. Voyons ça de plus près.
La matière organique : plancton, algue, bactéries, végétaux, c’est à dire la matière qui contient des atomes de carbone, se dépose au fur et à mesure sur le sol ou au fond de l’eau. Les sédiments, eux, débris de roches et de minéraux se déposent également et piègent la matière organique créant des boues de sédimentation. Grâce aux différents mouvement géologiques, ces sédiments vont être entraînés et enfouis profondément sur plusieurs km.
Au fur et à mesure que la matière organique piégée dans les sédiments s’enfonce, les températures et la pression augmentent (60 à 200°C). Des réactions chimiques commencent à générer des hydrocarbures au sein d’une roche à la perméabilité faible : la roche mère. Lorsque la densité devient plus faible que celle de l’eau et si la nature des roches le permet (roche réservoir perméable), les hydrocarbures vont remonter vers la surface et migrer jusqu’à une roche réservoir imperméable qui les empêchera de remonter jusqu’à la surface. Les hydrocarbures seront piégés.
Le pétrole est donc le produit de plusieurs facteurs : la rencontre de la matière organique et des sédiments, les mouvements géologiques favorables, la présence de roches aux propriétés particulières et des millions d’années d’attente!
Les polymères biosourcés
On appelle polymères biosourcés, les polymères issus de la transformation en une ou plusieurs étapes de la biomasse.
Qu’est-ce que la biomasse ?
La biomasse est produite par des organismes vivants via l’activité photosynthétique des plantes. Une certaine partie de la biomasse provient aussi des animaux, des insectes, des micro-organismes, etc…
La biomasse est donc l’ensemble des matériaux organiques, d’origine principalement végétale, naturelle ou cultivée, terrestre ou marine, provenant de la conversion chlorophyllienne de l’énergie solaire, à l’exclusion des combustibles fossiles (pétrole et gaz naturel). Est-il nécessaire de rappeler le schéma de la photosynthèse (figure ci-dessous)?
Dans les végétaux, grâce à la conversion chlorophyllienne, le dioxyde de carbone et l’eau sont transformés en glucose et en oxygène. La biomasse est un puits de carbone! Ce glucose va ensuite être stocké, transporté et distribué comme énergie chimique pour les métabolismes du végétal pour créer des sucres, lipides, protides mais aussi des biopolymères fonctionnels ou structuraux pour la plante. La biomasse est essentiellement solide et contient donc du carbone, de l’oxygène, de l’hydrogène et quelques quantités de soufre et d’azote. La biomasse est composée de différents polymères lui donnant sa structure rigide : la cellulose, la lignine et l’hémicellulose (figure ci-dessous). Les proportions varient en fonction du type de végétal. On parle de structure ligno-cellulosique. Alors que la cellulose est un polymère constitué d’unités cycliques à 6 chaînons, l’hémicellulose est constituée de cycles à 5 chaînons et la lignine d’unités aromatiques.
Mais plantes et bois contiennent aussi des monomères en différentes proportions : terpènes (comme le limonène ou le myrcène), acide abiétique et dérivés, huiles végétales et sucres. Ces molécules peuvent être extraites et utilisées directement (c’est le cas de l’huile de palme et de l’acide palmitique par exemple). Ils contiennent aussi des tanins (des polyphénols) et des gommes naturelles (par exemple, la gomme arabique issue de l’Acacia qui colle les timbres poste).
De cette biomasse il est donc possible d’extraire des polymères naturels : amidons, cellulose, hémicellulose. Mais il est également possible d’extraire de petites molécules qui sans ou avec transformations nous serviront de matières premières pour faire des polymères synthétiques. La transformation de la biomasse pour obtenir une grande variété de molécules passent par la déconstruction de la structure ligno-cellulosique et sa dépolymérisation grâce à différents procédés physico-chimiques : prétraitements (explosion à la vapeur, broyage, etc.), pyrolyse, hydrolyse, procédé de Fischer-Tropsch et fermentations. Ces unités de transformation constituent la bio-raffinerie, nom donné par analogie avec la raffinerie pétrolière.
La production de polymères biosourcés
La production mondiale de polymères biosourcés, c’est à dire issus de la biomasse, représente seulement 2 millions de tonnes par an, soit 1% de la production de matière plastique mondiale. Les polymères biosourcés peuvent être séparés en deux grandes familles : les biosourcés non biodégradables et les biosourcés biodégradables (figure ci-dessous). Les biosourcés non biodégradables (à gauche) sont typiquement les polymères dont le monomère est issu de la transformation de matière biosourcée pour des polymères synthétiques usuels. La structure du polymère biosourcé et de son homologue issu du pétrole est similaire. Rien ne peut les différencier à part leur coût. Les monomères biosourcés restent plus coûteux car il est nécessaire d’utiliser plus d’étapes de transformations et que le prix de la biomasse est plus cher que le prix du pétrole brut. Certaines diamines, des diacides, l’éthylène peuvent être synthétisés en plusieurs étapes à partir des composés de la biomasse : cellulose, hemi-cellulose, lignine. Ainsi, il est possible de synthétiser une multitude de polymères de commodité : polyamides (PA), polyéthylène (PE) ou polypropylène (PP). Le PET (polytéréphtalate d’éthylène) biosourcé est disponible à partir de différents sucres issus des activités agricoles. En réalité, en 2018, ce PET n’est que partiellement biosourcé car il contient aussi du PET issu du pétrole (30%) lui permettant d’être économiquement compétitif sur le marché.
De nombreux laboratoires de recherche s’intéresse aujourd’hui au développement de nouveaux polymères biosourcés et biodégradables qui auraient des performances égales ou supérieures aux dérivés pétroliers. Le polybutylene adipate terephtalate (PBAT), le polybutylene succinate (PBS), le polyethylène 2,5-furandicarboxylate (PEF) et les polyhydroxyalcanoates (PHA, voir plus bas) en font partie. Le PBS est un copolymère produit de la polycondensation de l’acide succinique et du 1,4-butanediol. Comme vous pouvez le voir sur la figure ci-dessous, l’acide succinique est produit à partir des betteraves et du blé dont on récupère les sucres : le glucose. La fermentation de ce glucose dans des bioraffineries en présence de dioxyde de carbone produit l’acide succinique. Différentes transformations chimiques permettent d’obtenir différents produits comme par exemple la gamma-butyrolactone ou le tetrahydrofurane (des solvants usuels) et le 1,4-butanediol.
Les polymères vendus sur le marché contenant partiellement ou totalement des produits biosourcés sont souvent de vrais atouts marketing pour les entreprises. Ils se retrouvent généralement sous des appellations faisant référence à la nature (par exemple : plantbottle, green-epoxy).
Cependant, leur teneur en composé biosourcé est parfois faible. Les bouteilles en PET ci-dessus ne contiennent que 30% de bioressources. Pourquoi? Et bien parce que le PET, ou polytéréphtalate d’éthylène est un copolymère issu de la polycondensation de l’acide téréphtalique (issu du pétrole) et de l’éthylène glycol (biosourcé). De plus, même si ces bouteilles sont recyclables, elles ne sont pas biodégradables.
Les polyhydroxyalcanoates : polymères naturels et biodégradables
Les polyhydroxyalcanoates sont des polyesters aliphatiques produits naturellement par les bactéries par fermentation de sucres et peuvent aussi être synthétisés par polymérisation d’hydroxyacides ou d’esters cycliques. Dans le cas de la fermentation, un polymère de très haute isotacticité avec des propriétés cristallines modulables est obtenu. En effet, en fonction des sucres qui sont fermentés, il est possible de faire varier la nature du motif de répétition (le groupement R). Ainsi, lorsque le groupement R ne contient qu’un seul atome de carbone (un groupe méthyle), le matériau obtenu est cristallin, rigide et cassant alors que lorsque le groupe R est une longue chaîne alcane, le polymère devient amorphe.
Les hydroxyalcanoates sont des polymères biosourcés mais également biodégradables. Ils servent de réserve énergétique à la bactérie, et sont donc facilement biodégradés. Ils sont aujourd’hui utilisés comme film plastique dégradable pour les pastilles de lave-vaisselle.
Un polymère synthétique biosourcé et biodégradable : le polylactide
Le polylactide ou acide polylactique est un polymère issu de la polymérisation de l’acide lactique, lui-même issu de l’amidon. C’est donc un polymère synthétique mais biosourcé. Il est aujourd’hui utilisé comme thermoplastique pour les emballages alimentaires (couverts, gobelets, boîtes, sachets de thé) mais aussi comme matière première des imprimantes 3D. Il est recyclable (thermoplastique) et compostable. L’acide polylactique peut-être synthétisé par polycondensation directe, par polycondensation azéotropique avec un solvant (procédé Mitsui) ou bien par polymérisation par ouverture de cycle (procédé Cargill, exploité par NatureWorks, figure ci-dessous) du dimère cyclique de l’acide lactique (le lactide). Le dernier procédé permet l’obtention de polymères avec des hauts poids moléculaires et une distribution homogène. Il n’utilise pas de solvant toxique. Le procédé Cargill est un procédé complet constitué de l’hydrolyse de l’amidon, la fermentation du glucose, la polycondensation de l’acide lactique et sa dépolymérisation pour obtenir le lactide et enfin la polymérisation du lactide. Le lactide contient deux carbones stéréogènes et il existe donc sous la forme de trois diastéréoisomères : le (L)-lactide, le (D)-lactide et le meso-lactide. La séparation de ces trois composés et leur polymérisation sélective permet d’obtenir des matériaux avec des tacticité différentes et donc des propriétés physico-chimiques différentes.
article écrit par Carine Robert