L’équilibre thermodynamique

L’énergie et le premier principe
L’entropie et le second principe
Evolution spontanée du système, énergies de Helmholtz et de Gibbs

La thermodynamique est la science des transformations de l’énergie. Elle est fondée sur deux grands principes :

  1. L’énergie se conserve : toute évolution correspond à une transformation de l’énergie, mais l’énergie totale est conservée,
  2. Toute évolution va dans le sens d’une création d’entropie.

La thermodynamique chimique, ou thermochimie, donne les outils pour prédire l’état d’équilibre résultant de l’évolution spontanée de deux corps mis en contact (la « réaction chimique »). En chimie des matériaux, elle permet de prévoir la phase ou le mélange de phases dont notre matériau sera constitué s’il est bien à l’équilibre thermodynamique. Atteindre l’équilibre nécessite de pouvoir explorer l’espace des configurations atomiques, ce qui nécessite souvent d’augmenter la température (on chauffe pour transformer). Dans la matière solide, l’exploration est difficile car les mouvements sont gênés par la densité élevée d’atomes. Beaucoup de matériaux ne sont pas dans leur état d’équilibre thermodynamique le plus stable, voire certains ne sont pas à l’équilibre du tout (verres).

L’énergie et le premier principe

L’énergie d’un système est fondamentalement son aptitude à produire un travail ou de la chaleur. Fournir un travail, c’est déplacer un objet en s’opposant à une force contraire. Elever un poids, déplacer un piston par détente d’un gaz, faire passer un courant électrique dans une résistance grâce à une réaction chimique sont des exemples de travail. On peut augmenter l’énergie du système en effectuant dessus un travail (comprimer, remonter un ressort…) et/ou en le chauffant. Inversement, un système peut réduire son énergie en fournissant un travail et/ou en émettant de la chaleur. C’est ce bilan qu’exprime le premier principe de la thermodynamique. Travail et chaleur sont des transferts d’énergie, l’un sous forme organisée, l’autre sous forme désorganisée, l’agitation thermique.

La variation d’énergie du système est donc :

∆U = W + Q

W et Q sont les quantités de travail et de chaleur échangés avec l’extérieur.

L’énergie totale du système, U, est appelée énergie interne. C’est la somme des énergies cinétique et potentielle de tous atomes ou molécules qui constituent le système. On voit que cette énergie totale est indépendante de la façon dont elle a été apportée, par travail ou par chaleur : elle est indépendante du chemin parcouru pour aller de l’état initial à l’état final. Elle caractérise un état du système.

Dans les transformations chimiques, c’est l’énergie échangée sous forme de chaleur qui « agit ». Une transformation est soit exothermique, quand elle prend de la chaleur à l’extérieur (Q > 0 pour le système), soit endothermique quand elle libère de la chaleur (Q < 0). Cette énergie prend le nom d’enthalpie (H). La variation d’enthalpie est égale à la chaleur échangée avec le système à pression constante, c’est-à-dire quand le volume est libre de varier. La variation d’enthalpie est supérieure à la variation d’énergie interne, car une partie de la chaleur est restituée à l’extérieur sous forme de travail d’expansion.

H = U + pV et ∆H = Q

(si pas de travail échangé autre qu’un travail d’expansion)

L’enthalpie est un concept fondamental en thermodynamique chimique. A l’échelle microscopique, elle est reliée à la somme de toutes les interactions entre les atomes ou molécules, c’est-à-dire à l’énergie potentielle. En fournissant de la chaleur, on permet au système d’explorer une plus grande variété de configurations atomiques et d’atteindre des configurations moins favorables au niveau de ces interactions : il monte en énergie potentielle (transformation endothermique). Inversement, lorsque le système se transforme de façon exothermique, c’est qu’il va vers des configurations atomiques plus basses en énergie potentielle.

L’entropie et le second principe

A cause du caractère aléatoire des mouvements atomiques (le chaos), le désordre ne peut qu’augmenter. Cette loi naturelle est traduite dans la notion d’entropie et dans le deuxième principe de la thermodynamique qui la définit.

L’entropie est la quantité qui caractérise le degré de désordre d’un système. Le deuxième principe dit qu’elle ne peut qu’augmenter : dans toute évolution, la variation d’entropie est toujours positive ou nulle. Le cas où la variation d’entropie est nulle est le cas idéal, théorique, d’une évolution parfaitement réversible. Dans la réalité, toute évolution s’accompagne d’une création d’entropie.

ΔStotal ≥ 0

Cette création d’entropie donne le sens de l’évolution, en même temps qu’elle lui donne un caractère irréversible (de l’entropie a été créée, on ne peut pas revenir en arrière car on ne peut pas détruire de l’entropie).

L’entropie est donc une quantité non conservative, contrairement à l’énergie.

La variation d’entropie d’un système est d’autant plus grande que la température est basse. En effet, imaginons un cristal constitué de N atomes rangés de façon périodique. Un cristal parfait, sans défaut, correspond à S = 0 et T = 0 (dessin). Il n’y a qu’une et une seule possibilité pour un cristal d’être parfait (S = 0). Dès qu’on augmente la température, les atomes se déplacent et laissent des sites vacants (n lacunes). Le nombre de configurations possibles de N défauts avec n lacunes est très grand : de l’entropie a été créée. A basse température, l’augmentation d’entropie générée par la formation d’une lacune est extrêmement grande car on passe de S = 0 à S très grand (S vaut N pour la création de la première lacune). A température élevée quand existent n lacunes, l’entropie est déjà très grande et sa variation quand on forme une nouvelle lacune est très faible. La variation d’entropie du système est donc inversement proportionnelle à la température. De plus, la variation d’entropie est égale ou supérieure à la chaleur échangée avec l’extérieur (2ème principe). Cela est résumé dans l’inégalité de Clausius :

∆S ≥ Q/T

Cette écriture fournit une définition thermodynamique de l’entropie. ∆S= Q/T  lorsque Q correspond à la chaleur échangée pendant un chemin réversible de transformation (succession d’états d’équilibre, où aucune situation de déséquilibre générant de la dispersion n’est générée). On écrit :

∆S= Qrev/T

 

Evolution spontanée du système, énergies de Helmholtz et de Gibbs

Rudolf Clausius, Willard Gibbs et Hermann Ludwig von Helmholtz.

L’inégalité de Clausius nous dit que toute chaleur échangée avec le système pendant une transformation spontanée est inférieure ou égale à TΔS (Q ≤ TΔS). On distingue deux situations pendant les transformations à température constante :

  • Le volume est imposé constant. Le système n’échange pas de travail avec l’extérieur : W = 0, et donc ΔU = Q. On définit l’énergie de Helmholtz : A = U – TS.  L’inégalité de Clausius revient à ΔA ≤ 0.
  • Ou le volume est libre de varier. La chaleur échangée avec l’extérieur est alors Q = ΔH. On définit l’énergie de Gibbs : G = H – TS.  L’inégalité de Clausius revient à ΔG ≤ 0.

Les énergies de Helmholtz ou de Gibbs sont des quantités du système (on dit « fonctions d’état ») qui rendent compte à la fois des échanges de travail et chaleur avec l’extérieur et de l’augmentation nécessaire d’entropie. Une transformation chimique se produira spontanément dans le sens de la diminution de A (si V est constant) ou de G (si P est constante). L’état d’équilibre est atteint lorsque le minimum de A (si V est constant) ou de G (si P est constante) est atteint. Ces fonctions sont à la base de toutes les applications de la thermochimie, notamment, la prédiction de la nature et de la composition des phases d’un matériau.